Régénérer une parcelle agricole grâce aux vulpins et aux chardons

parcelle agricole céréalière en Côte d'Or (21), à Binges, en friche

Compactage, asphyxie, blocage du phosphore, hydromorphisme, semelle de labour, libération de nitrites, d'ions ferrique et d'aluminium, pollution des nappes phréatiques, érosion, inondation, brûlures, perte de biodiversité, salinisation... Lorsque l'on récupère une parcelle cultivée, vous avez toutes les chances de trouver le terrain dans cet état.


Lorsque la Terre a été travaillée pendant plus de 20 ans, parfois 50 ans, avec des engins agricoles lourds, des pratiques de labours, d'intrants azotés, phosphatés, d'amendement de lisier et de traitements aux pesticides en tous genres, de fauchage systématique, quel espoir de voir renaître la biodiversité sur un sol ?
tracteur, semelle de labour, eau stagnante, absence de couverture du sol
état du sol de la parcelle de céréales de grandes cultures en côte d'or.



CULTURE REGENERATIVE EXPERIMENTALE


On assimile souvent la mise en friche à l'arrêt des cultures. C'est une erreur. Cela signifie l'arrêt de pratiques culturales mécaniques et chimiques. 

La mise en friche signifie surtout l'arrêt du labour, du fauchage, des amendements en lisier, de pâture et l'usage d'engins mécaniques pour laisser se réimplanter la vie et la biodiversité. 

Une agriculture bio-mimétique qui s'aligne sur les cycles de régénération végétative, grâce aux levées de dormance bio-indicatrices, est tout à fait viable, à l'échelle familiale et potentiellement avec un rendement économique à plus grande échelle (à expérimenter), tout en respectant l'environnement.

Diversifier la production est nécessaire: céréales/légume feuilles/légumes fleur/légumes racines pendant la période d'aggradation du sol: profitez en pour cultiver des artichauts, des choux, des brocolis, des céréales (orge, blé, avoine), des fabacées (pois, haricots, fèves, vesce, gesses, luzerne), voir des tomates, des courgettes, des physalis, des aubergines et des melons. Puis des oignons, des poireaux, des carottes, des pommes de terre, des topinambours, de la mâche et des fraises. Vous aurez une sécurité alimentaire ou un complément de revenus.

Dans ces zones rudérales au sol dégradé par les pratiques agricoles, il est donc encore possible de cultiver des variétés de plantes adaptées et régénératrices de ces milieux, sans forcer le processus par des intrants extérieurs ou des pratiques de perturbation du sol. Il y a autant d'optimum qu'il y a d'espèces. La question est d'observer à quel optimum correspond l'état actuel du terrain, sans jugement de valeurs, et de s'adapter. Puis d'aménager des cultures différentes au fur et à mesure de l'aggradation du sol et de la biodiversité. Pour cela, un indicateur efficace: l'observation des levées de dormance des plantes sauvages.

Surtout, il est primordial de laisser reposer ces sols et de les protéger de l'érosion pour les restaurer, de ne plus les travailler et de planter des plantes décompactantes et reminéralisantes plutôt que de les aérer à la bêche ou autres outils. Couvrir ces sols de l'exposition aux uvs, au vent, aux pluies, à l'évaporation et à l'érosion est une première nécessité.

Voici un design expérimental que j'élabore depuis 5 ans, suite à l'observation des zones rudérales et des parcelles céréalières en Côte d'Or.

ETUDE DE CAS

Historique de la parcelle



METHODOLOGIE
Le design écosystémique
La restauration conservatoire qui consiste à vouloir réimplanter la biodiversité "comme elle était avant" ne me semble pas pertinent pour une zone urbaine et agricole.

Cet idéal écologique est envisageable à long terme dans un espace déclaré <<zone naturelle>> avec la réglementation des pratiques qui va avec.

Mais cette démarche ne correspond pas à la réalité des conditions de terrain dans une zone habitée: le contexte écologique de la zone à changé, la biodiversité est différente, la présence humaine dans la zone fait partie des conditions, le climat régional à changé etc... C'est en intégrant ces facteurs, tout en prenant en compte l'origine écologique de la zone, que l'on peut envisager un potentiel régénératif viable qui tend vers le climax écologique de la zone. Parfois, la présence humaine transforme définitivement un environnement et il est plus intéressant d'apprendre à composer avec.

Le design permacole intègre donc l'environnement global à une situation particulière. La situation d'un terrain dépend intimement de tout ce qui se passe autour car la nature n'a pas de frontière cadastrale.

Le point de départ: observer la levée de dormance spontanée in situ permet d'accompagner la régénération spontanée de la biodiversité du site. On peut identifier des zones de biodiversité à 10 cm près et comprendre la qualité du sol grâce aux plantes bio-indicatrices sans toucher le sol. On peut repérer des zones d'eaux souterraines, lire l'historique d'une parcelle...

La méthode: Le design expérimental que je propose se base sur ces relevés de végétations de terrain à partir desquelles s'articule le travail d'analyse compréhensive. Mon hypothèse est que l'on peut planter des espèces comestibles en repérant leurs variétés sauvages. Il est fortement probable que les conditions favorables aux espèces sauvages le soient également pour les variétés cultivées non hybrides et bio, sur une, deux ou trois générations. Les conditions favorables permettent de réveiller des stimulations épigénétiques chez tous les organismes vivants. Pour l'instant, les expériences que je mène depuis 5 ans sont positives.

Le design: A partir des zones de végétations, on identifie des micro-biotopes et les conditions favorables à certaines espèces. On design des cultures et des installations en fonction des facteurs biotiques et abiotiques du site, actuellement présents. On peut prévoir et intégrer les dynamiques alentour, comme l'avancée des bois, les haies, les bordures, les zones humides, les zones arides, le ruissellement des eaux de pluie, les eaux souterraines, les orientations lumineuses, les ombres portées, les vents, les pratiques sur les autres terrains, l'évolution de la biodiversité, récolter des semences in situ pour replanter etc. On peut imaginer d'apporter de nouvelles installations et créer des zones de biodiversité. Toutes les cultures sont mise en perspective dans le temps de manière flexible pour permettre de s'adapter aux évolutions réactionnelles de la biodiversité sur place: d'autres plantes vont levée leur dormance au fur et à mesure, et c'est en pratiquant cette observation permanente que le design est viable. Cultiver avec la Nature, c'est une démarche flexible et adaptative basée sur l'accompagnement de la levée de dormance des espèces spontanées.

Une parcelle recèle une multitude de micro-biotopes. La diversité d'un paysage, même cultivé, rend le design permacole écosystémique passionnant à concevoir, à implanter, à adapter... à faire vivre!


DIAGNOSTICS

Diagnostic des sols par les plantes bio-indicatrices
Observation du site, herbier, zoning végétal, hydrique, CAH, PH...







zoning






La Végétation

La parcelle est composée à 100% d'herbacées entre 30 cm et 150 cm de haut, il n'y a pas de plantes couvre sol. Le sol est à nu, partiellement couvert de brisures de tiges de colza (restes de l'ancienne culture) dégradés par les uvs, le lessivage des pluies et le temps (pas de présence de nidification d'insectes dans les tiges et les racines de colza ni d'hyphes fongiques, pas de création d'humus, pas de reste de feuille). La biodiversité est concentrée en bordure. 

On identifie des zones distinctes: les bordures, les bandes de graminées, les étendues de vulpins, une tâche de chardons, des cirses communs solitaires de grande taille, des tâches à nu type semelle de labour inondées en hiver et arides en été.


Tableau des microbiotopes

les bordures:
une bordure semi-aride le long du chemin, une bordure près du ruisseau en aval riche en fromental, une bordure riche en moutarde, laiteron, coquelicot, euphorbe, sureau hièble. le long du canal de drainage en amont, une bordure limitrophe avec une parcelle de tournesol cutivée, fauchée et traîtée au glyphosphate (herbes rougies et brûlées). 

les bandes de poacées:
Le Fromental

Les Bromes de Madrid

les couvertures de Vulpins Les vulpins peuvent former un groupe unique de végétation avec une mousse, la bryum, et des débris de colza. Le sol est compacté, largement fissuré (entre 5mm et 1cm de large), sableux et argileux. Absence totale d'humus.

les tâches de chardons:

La végétation comprend 75% de poacées, largement représentées par les Vulpins, les bromes et le fromental. Les autres espèces sont des astéracées de type cirse commun, chardon commun, prêle, laiteron maraicher, lampsane, géranium à feuilles découpés, vesces hybrides, salsifis douteux, rumex crépue.

les zones à nu

Terre: semelle de labour, hydromorphie l'hiver (inondation), fissuré l'été (aucune capacité de rétention d'eau), sableux et argileux, CAH: érosion, absence d'humus, absence de glomérine.
Minéral: pierre calcaire _> présence de calcaire actif
Débris ligneux: cellulose de colza, en état de décomposition passive (érosion, uvs, temps, pluies, absence de partenaires fongiques visibles ou d'insectes xylophages, pas de traces de nidification d'insectes type guêpes, chenilles ou araignées.)
Végétation: mousse bryum foliace, levée de dormance de vulpins des champs, de prêle des champs, de liseron des champs, de silène blanc, de salsifis douteux, de salade sauvage en bordure.

La mousse permet de retenir l'eau et abrite quelques acariens et arthropodes à l'abri des uvs: elle offre un refuge à la faune épigée.


plantes bio-indicatrices
Le Fromental

L'Avoine
On retrouve la folle avoine dans les sols compactés, sablo-limoneux et dans les sols argilo-calcaires compactés à pH élevé. Son développement indique un excès d’azote et de potassium dans ces types de sols.

Les chiendents
Le chiendent rampant, à l’instar de son homologue des champs, affectionne particulièrement des sols fatigués, nécessitant une régénération, en particulier par l’introduction de prairies multi-espèces (3 à 5 graminées en mélange avec 3 à 5 légumineuses). Il indique également des sols détruits par le labour. Les chiendents s’installent dans les cultures à partir de la 5ème année.  Le chiendent rampant est une plante à rhizomes, elle explore quasi exclusivement le sol de manière horizontale.

Les Bromes

Les Vulpins

Les vulpins sauvages sont originaires des zones inondables, ils sont bio-indicateurs d'anaérobiose.
Le vulpin se développe dans des sols compactés à pH élevé. Il est présent également lors de phénomène d’hydromorphisme des sols provoqués par un travail du sol par temps humide ou pluvieux.

vulpin 100%
vulpin 50% + prêle 50%
vulpin 40% + 60% brome
vulpin 15% +prêle 15%+ chardon commun 40%+brome de Madrid 30%



Les Chardons
Anaérobiose, blocage pH
La présence de chardon est favorisée par la saturation du complexe argilo-humique, qu’elle soit naturelle du fait d’un pH trop élevé ou provoquée par un excès d’engrais azoté. Le chardon est une plante à prairies grasses, adaptées à l’élevage de bovins. A noter qu’un surpâturage (excès de MO et tassement du sol) peut entrainer un fort développement du chardon. Par ailleurs, sa fleur est très appréciée des abeilles.

Les grands chardons sont des plantes à racines pivotantes, elles explorent le sol de manière verticale.















Les Matricaires
Cette plante herbacée annuelle affectionne les sols à faible pouvoir de rétention et à fort contraste hydrique. Elle est souvent indicatrice de compactage dans des sols déstructurés.





Les Prêles des champs

Les Astéracées
salsifis douteux


Les Rumex





La Bryum


Les environs
parcelles agricoles:
céréales, colza, blé, orge, moutarde, maïs, qlqs fois oignons.
Bois résiduels:
érables, chêne, aulne, saule, peuplier,
Canaux de drainage et d'irrigation
vergers ruraux
village
lavoir
étang à usage agricole (avec système de pompe):
roseaux, poule d'eau, canards.
plantation de noyer
zone d'épandage
plantation de peupliers hybrides
décharges

RESERVOIRS DE BIODIVERSITE
FLORE

FAUNE potentiel oiseaux (corbeaux, mésanges, étourneaux saisonniers, colombes, pairdries en hiver, chardonneret occasionnels, faisans occasionnels), insectes, rongeurs notamment campagnols (absence de lapins), ragondins, renards occasionnels (chassés)

FONGE bois résiduels, EMs vergers en friche, mycorhizes bordures.


3
POTENTIELS DE CULTURE
(reconversion d'une parcelle agricole après 1 an de friche min.)


RECOMMANDATIONS
herbacées:
poacées:

ETUDE DE CAS pour cette parcelle étudiée
(chaque parcelle a des caractéristiques spécifiques qu'il convient d'étudier)

usages à très court terme (3 ans):
stade 1: poacées sauvages (vulpin, brome, fromental, avoine), chardon, artichaut, carline, cirse, bleuet, safran, arnica, camomille, calendula, marguerite, tournesol, mâche en hiver...

stade 2: fourrage (vulpin, avoine, blé, orge, fromental, luzerne, fumeterre), céréales ( avoine, orge, blé dur, blé tendre - pas de colza ou de soja qui stérilisent les sols!), légumes fleurs (artichauts, brocoli, tournesol, calendula,), graines (tournesol, moutarde, carotte, fenouil persil, carvi, cerfeuil) légumes feuilles rosette (chicorée, pissenlit, salade, scarole, laiteron, crocus, patience, violette, pensée, mauve, rumex, brocoli, mâche, ...)

stade 3: légumes feuille, légume racines, légumes drageons-plantation (asperge, prêle), salsifis, fraises, oignons, poireaux, ail, pomme de terre, topinambour, tournesol, moutarde, laiteron, roquette, mâche, salade, stellaire, claitone, nombril de vénus, radis, chou, chou kayle, chou perpétuel, choux de bruxelles, brocoli, scorsonère, fenouil, céleri, poireaux, fraise.

hors pollution aux métaux lourds. en cas de reconversion, ou selon l'historique de l'usage de la parcelle (y compris il y a 200 ans - comme ds les bassins miniers par exemple, ou plus: éruption volcanique, composition géologique, notamment en montagnes et dans certaines régions à radioactivité naturelle), toute production à but alimentaire doit être testée (racines, fragon, tige, feuille, fleurs, graines, fruits). Possibilité d'envisager une méthode de mycoremédiation de site avec des champignons dépolluants. 

usages à court terme (3-5 à 15 ans): légumes fleurs, légumes feuilles, légumes racines, légumes drageons (asperges), graines, légumes maraîcher tout type, petits fruits (ronces, framboises, fraises), champignons dépolluants, champignons comestibles? (selon sol et pratiques environnantes), haies, plantation d'arbres fruitiers, de baies forestières et forestiers, poules, volailles, lapins, pisciculture selon qualité des eaux et efficacité des filtres.

usage à moyen terme +15 à 50 ans: arbres fruitiers, arbres forestiers, champignons dépolluants, premiers champignons symbiotiques potentiels selon sol et pratiques environnantes), pisciculture selon qualité des eaux et efficacité des filtres, poules, sylvopastoralisme modéré (attention au surpâturage, à l'amendement de MO et au compactage).

usage transgénérationnel + 50 ans à 200 ans: arbres fruitiers, pisciculture, ligneux, champignons comestibles saprophytes et symbiotiques comestibles (selon pollution d'origine).

>>>> La conversion récente d'une parcelle agricole en « forêt » montre une augmentation transitoire de la biomasse fongique dans les horizons superficiels, 15 ans après l’implantation d’une forêt, avant un retour à l’équilibre 50 ans plus tard. ( source: Programme BioSol et ADEME).

test des bâtons pour vie fongique saprophytes ( les premières années)

DESIGN PERMACOLE EXPERIMENTAL

Je cherche un-e agriculteur-rice audacieux-se pour expérimenter à titre gratuit sur une parcelle déclarée "inutilisable"; ou une personne s'installant sur ce type de parcelle a posteriori. Contactez-moi si l'expérience vous tente.




autres ressources
thèse sur les résistences des vulpins aux herbicides http://docnum.univ-lorraine.fr/public/SCDSCI_M_2011_DUHOUX_ARNAUD.pdf
http://www.champagrica.fr/uploads/media/PIB_2013_oct-nov.pdf
https://ecobiosoil.univ-rennes1.fr/ADEME-Bioindicateur/download/fiches-outil/fiche_outil_3_communautes_vegetales.pdf

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